Équipes de France : retrouver la sérénité et l’ambition

Équipes de France : retrouver la sérénité et l’ambition

Lors de la dernière compétition internationale jouée en ligne en raison de la crise sanitaire (les Olympiades Online), la France a suscité l’incompréhension du monde échiquéen en alignant une équipe très peu compétitive. Comme la dernière assemblée générale en visioconférence l’a démontré, il n’existe pour l’heure aucun motif d’espoir pour celles et ceux qui souhaitent voir l’équipe de France redevenir la formidable vitrine de notre discipline. (Photo : ChessBase)

Qu’est-ce que le haut niveau et l’Équipe de France ?

La FFE n’étant pas une fédération sportive délégataire, il n’existe pas au sens strict du terme de « sportifs de haut-niveau ». Mais il existe tout de même une pratique de haut-niveau.

Maxime Vachier-Lagrave est le 4e joueur mondial, et mène pour l’instant le tournoi des Candidats qui qualifie pour le match de Championnat du Monde contre Magnus Carlsen.

Étienne Bacrot, dont la carrière et le rayonnement dans la société française à l’époque de son ascension et de son accès à l’élite mondiale ne sont plus à démontrer, est le directeur du « Pôle Excellence Jeunes » (structure d’entraînement privée financée par Gilles Betthaeuser) et s’investit déjà auprès de nos meilleurs espoirs.

Laurent Fressinet est le recordman de sélections en équipe de France et entraîne aujourd’hui le champion du Monde Magnus Carlsen.

Marie Sebag, Almira Skripchenko, Pauline Guichard et Sophie Milliet font partie des meilleures joueuses du monde.

La FFE compte plus de 200 MI et GMI, et figure depuis longtemps en bonne place dans le classement des plus fortes nations échiquéennes. Les équipes de France (Mixte et Féminine) se réunissent tous les ans à l’occasion d’une compétition internationale, au rythme de deux évènements biannuels : le championnat d’Europe des Nations et les Olympiades (« les J.O des Échecs »). Ces équipes de France sont composées par un sélectionneur, désigné par le président de la FFE, avec l’accord du Comité Directeur.

Le Règlement Intérieur de la FFE expose par ailleurs ce qu’est la Direction Technique Nationale [1]Le deuxième rapport de l’IGÉSR préconise d’utiliser à l’avenir les termes « Direction Technique Fédérale », plus approprié aux fédérations sportives non-délégataires :

8.1.1 Fonctions
La Direction Technique Nationale est chargée de définir la politique sportive de la FFE, notamment pour la préparation des compétitions internationales organisées par la FIDE, et ce dans les domaines sportif, financier, et de l’encadrement technique.
Elle organise une surveillance médicale particulière pour les membres des équipes de France.

8.1.2 Composition
Outre le Directeur Technique National qui la dirige et l’anime, la Direction Technique Nationale est composée d’un Directeur Technique National adjoint et des entraîneurs nationaux dont la mission est d’encadrer les membres des équipes de France.

Pourquoi existe-t-il de mauvaises relations entre certains des plus forts joueurs et le Président de la FFE ?

Comme le relève le deuxième rapport de l’IGÉSR, plusieurs incidents ont contribué à créer une mésentente entre certains des meilleurs joueurs d’échecs français et le président Bachar Kouatly.

En juin 2018, à l’annonce du licenciement du DTN Jordi Lopez (dont la procédure prud’homale est toujours en cours), 38 forts joueurs et entraîneurs français (dont les trois meilleurs Maxime Vachier-Lagrave, Etienne Bacrot, et Laurent Fressinet, ainsi que le sélectionneur de l’Équipe de France Sébastien Mazé, à l’origine du communiqué) ont publié un texte de soutien au DTN.

Peu après, les Olympiades sont organisées à Batumi.

« À l’issue des Olympiades d’Échecs de 2018 (à Batumi, Géorgie), le président Kouatly s’est déclaré mécontent du comportement général des membres de l’équipe de France, notamment en dehors de la compétition. Il a proposé, lors de la réunion des 10 et 11 novembre du Comité Directeur de la FFE, de remplacer le capitaine de l’Équipe de France Sébastien Mazé, ce qui a été validé. » [2]2e rapport de l’IGÉSR, page 46/70

Une position qui contraste singulièrement avec le compte-rendu officiel publié sur le site de la FFE :

En dépit d’une prestation d’ensemble unanimement saluée, le président de la FFE reproche à certains joueurs et à certaines joueuses de l’Équipe de France un comportement inapproprié et des conduites excessives lors de la « Bermuda Party ».

Historiquement, la « Bermuda Party » est la fête qui a été initiée par la Fédération des Bermudes lors des Olympiades dès les années 1980 afin de renforcer les liens entre toutes les délégations du monde. Avec le temps, elle est devenue un évènement festif populaire faisant partie du programme officiel, organisé la veille de la première journée de repos de la compétition.

ChessBase India a d’ailleurs réalisé lors de cette Olympiade un reportage fidèle de la Bermuda Party.

En soutien à leur capitaine, certains joueurs de l’équipe de France ont manifesté publiquement leur mécontentement.

En février 2019, la situation se durcit. Sans consulter les joueurs sélectionnables ni le Comité Directeur, le président de la FFE refuse l’invitation par la FIDE d’être repêchée au Championnat du Monde par équipe (Astana, Kazakhstan, mars 2019), une compétition réservée à une sélection de 10 équipes dans le monde (les meilleures nations du monde, et les meilleures nations de leurs continents respectifs).

La suite des évènements est détaillée par le deuxième rapport de l’IGÉSR :

À la suite de cette réponse de MVL concernant la convocation, des mails insultants le visant — dont certains émanent d’un membre du bureau fédéral — viendront envenimer la situation.

Étienne Bacrot et Laurent Fressinet ont quant à eux répondu favorablement à cette invitation au Comité Directeur, en dépit des invectives du secrétaire général adjoint. L’absence de suite aux échanges avec les élus laissait en fait entrevoir que le sujet des Olympiades de Batumi était clos.

Quelques mois plus tard, la situation ne s’améliore guère avec le changement de sélectionneur, et de nouveaux problèmes surgissent.

Dans son exposé sur le site fédéral, Igor-Alexandre Nataf écrit : « Lorsque j’ai été contacté par la FFE, je n’ai formulé qu’une seule requête : pouvoir complètement choisir et sélectionner l’équipe qui irait au prochain championnat d’Europe des nations à Batumi. Une fois cette garantie acquise, j’ai accepté le poste. »

Or, un premier couac vient émailler ce principe, puisque quelques jours après avoir contacté les joueurs concernés par sa première sélection, une autre sélection que celle initialement prévue est publiée, et certains joueurs sont « désélectionnés ».

La FFE est-elle sur la bonne voie pour rétablir de bonnes relations ?

À l’évidence, non.

Lors de l’AG du 31 Octobre 2020, le président de la FFE ne laisse entrevoir aucune autre solution que le statu quo dans sa réponse à notre colistier Jean-Baptiste Mullon qui l’interrogeait sur les pistes envisagées pour répondre à la recommandation n°15 du rapport de l’Inspection générale faite à la FFE (« S’efforcer de normaliser les relations entre les meilleurs joueurs d’échecs français et la fédération, afin que l’Équipe de France qui sera alignée lors des prochaines Olympiades d’échecs à Moscou soit la plus performante possible », page 9/70)  et plus généralement, au souhait de tous les fans d’échecs français.

Quelle est la position de la liste Ouverture conduite par Éloi Relange pour la prochaine élection fédérale ?

Il n’est pas concevable de composer nos équipes sans nos meilleurs éléments, indispensables à nos équipes de France comme joueurs ou membres de l’encadrement, particulièrement du meilleur joueur de l’histoire des échecs français, dont les chances d’être candidat au titre de champion du monde sont grandes.

Ces absences sont le résultat d’une dégradation des relations entre la FFE et ses meilleurs joueurs, progressive mais inexorable. La condamnation systématique et outrancière d’une soirée alcoolisée ne suffit pas à tout justifier ; d’autant que les faits relatés n’ont pas donné lieu aux sanctions que l’on aurait pu attendre s’ils avaient été préjudiciables pour la FFE.

Nous proposons :

  • De remettre nos championnes et nos champions au cœur de la vie fédérale, en privilégiant leurs participations aux grands évènements de la FFE comme les championnats de France Jeunes et Adultes, afin de valoriser leur passion pour notre discipline et leurs efforts colossaux pour réaliser des carrières exceptionnelles. Il est essentiel que nos meilleurs joueurs puissent partager des moments de convivialité et d’échange avec tous les licenciés, et particulièrement qu’ils soient une locomotive pour nos espoirs.
  • De renforcer la politique sportive de haut niveau de la FFE, en proposant à nos équipes de France un encadrement essentiel pour la bonne réussite des objectifs fixés par la Direction Technique et le Comité Directeur :
    • Reconduction et recrutement d’une équipe de deux capitaines et de secondants performante, en consensus avec les joueuses et les joueurs sélectionnés.
    • Pérenniser le(s) poste(s) de chef(s) de délégation lors des déplacements des équipes de France, afin que le staff sportif soit libéré des obligations logistiques sur place, et d’établir un rapport de proximité, de confiance, de respect des règles de bonne conduite et de soutien entre les organes exécutifs de la FFE et les équipes de France.
    • Renforcer la communication lors des compétitions internationales pour associer nos clubs et nos licenciés au parcours de nos représentants.
    • Renforcer les prérogatives de la DTN en lui laissant l’entière responsabilité de la bonne santé de nos équipes de haut niveau lors des phases de préparation, déroulement et retours d’expériences, afin que les organes politiques et en particulier le président puissent se consacrer à la valorisation pleine et entière de nos championnes et de nos champions.

La FFE peut entrevoir un rayonnement sportif historique grâce à nos championnes et nos champions installés au firmament de leur discipline depuis de nombreuses années, la chance inouïe d’avoir le plus fort joueur d’échecs français de tous les temps au sommet de sa carrière, et l’espoir d’accueillir le plus brillant espoir mondial des Échecs (Alireza Firouzja, résident à Chartres) en son sein.

Ne laissons pas passer cette opportunité et mettons tout en œuvre pour faire de nos équipes de France une vitrine autant qu’un vecteur de développement pour notre discipline.

Le deuxième rapport de l’IGÉSR préconise d’utiliser à l’avenir les termes « Direction Technique Fédérale », plus approprié aux fédérations sportives non-délégataires
2e rapport de l’IGÉSR, page 46/70